Afghanistan. File d’attente.
L’arme d’un GI à quelques centimètres de mon visage. Ce jour-là, j’ai compris que la pire erreur d’un leader n’est pas de se tromper, mais de se taire au mauvais moment.
Il est 9h37.
Salle de réunion.
Plans exposés, plannings expliqués.
J’écoute. Je regarde. Je sens qu’il manque quelque chose… mais je n’en dis que la moitié.
Pas par manque de courage, mais par crainte du décalage :
Est-ce que je vais être compris ?
Est-ce que je vais froisser ?
Depuis, j’ai accompagné des personnes qui connaissent cet écart : on incarne le rôle… mais on ne dit pas toujours la vérité utile au bon moment.
Un désalignement discret, nourri par une peur très humaine : le jugement social.
Cette peur ne crie pas. Elle se glisse dans un mot plus neutre, un silence.
Ce n’est pas une peur qui paralyse, c’est une peur qui édulcore.
🧠 Notre cerveau traite la menace sociale avec la même intensité qu’une menace physique.
Anticiper un jugement active l’amygdale : l’attention quitte le message pour gérer l’impact perçu.
Résultat : on reste dans le rôle au lieu d’être pleinement soi.
Ce qui est difficile, ce n’est pas seulement dire la vérité.
C’est faire passer une intuition : une perception fine, qui ne rentre pas dans un tableur.
Et parfois, à trop vouloir se faire comprendre
on ajoute des couches,
des précautions,
des exemples…
📉 … jusqu’à brouiller le message.
Pourtant, les meilleures décisions naissent d’un alliage assumé :
Données solides + Intuition entraînée
Dans les environnements complexes,
l’analyse éclaire…
mais c’est l’intuition, qui permet d’anticiper et d’arbitrer vite et juste.
Retour en Afghanistan.
File d’attente pour un checkpoint.
La tension monte.
Je sens que l’arme va s’embraser.
Ne rien faire = danger
Poussé par un instinct de survie, je m’avance entre l’arme d’un GI et un homme dont l’allure, dans ce contexte tendu, l’avait inquiété.
Instinctivement, j’articule : « Il y a des soucis mentaux, je m’en occupe. »
L’arme s’abaisse et la tension retombe.
Je l’accompagne au prochain checkpoint, le laisse avec un GI calme, et poursuis ma route.
Ce jour-là, ce n’était pas analyse ou ressenti : c’était les deux.
Et ce rôle ne s’arrête pas aux portes du bureau.
À la maison, il se glisse dans les mots choisis avec ma compagne pour éviter une tension
ou dans la manière d’être avec mes enfants : présent physiquement, mais l’esprit ailleurs.
Ce n’est pas un manque d’amour.
C’est le même mécanisme :
protéger l’harmonie immédiate
plutôt que risquer un inconfort
qui pourrait pourtant amener plus de vérité et de lien.
J’apprends à réduire cet écart, non pas par une transparence brute, mais en partageant mes ressentis.
En entreprise, ce désalignement a un coût :
• Vérité partielle
• Énergie gaspillée à maintenir une image
• Perte de signaux pour manager
À l’inverse, relier ressenti et analyse, c’est décider plus vite et plus juste.
💬 À votre avis : perd-on plus en taisant une vérité… ou en la disant trop tôt ?
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